En tant que responsable en charge du contrôle des audits internes d’UBS France, Nicolas Forissier s’est tout d’abord aperçu d’anomalies dans les comptes de certains clients de l’établissement. En juin 2007, il obtient des preuves que des mouvements de fonds ne sont pas passés en comptabilité. L’ensemble de ces opérations non déclarées sont ensuite écrasées en une seule ligne pour effacer leurs traces.
- Alors qu’il était cadre chez UBS France, Nicolas Forissier a découvert que son employeur pratiquait l’évasion fiscale pour ses clients
L’ancien cadre de la banque est devenu lanceur d’alerte car la loi l’y obligeait. Comme la procédure interne le prévoit, lorsqu’il a découvert ces faits en 2007, il a tout d’abord prévenu sa hiérarchie, ce qui lui a valu d’être sanctionné et licencié pour faute. « Cette procédure est sensée garantir l’anonymat », explique-t-il. « J’ai prévenu ma hiérarchie le 11 décembre 2008 au soir, le 12 décembre au matin mon anonymat était levé »
Depuis le lanceur d’alerte a gagné devant les prud’hommes, le juge reconnaissant qu’il a été licencié « pour ne pas avoir accepter un système illicite. » Mais la banque a fait appel, dans le but de saper son image et sa carrière. La procédure dure maintenant depuis 7 ans et Nicolas Forissier n’a plus trouvé un seul emploi dans le secteur financier. « Tous les postes auxquels je voudrais répondre pour reprendre une carrière normale me sont systématiquement fermés. Je suis celui qui a parlé, j’ai mis en risque l’ensemble du dispositif. J’ai parlé pour ceux qui ne peuvent pas parler ou qui n’ont jamais voulu parler »
Les services de l’État chargés de la fraude fiscale ne lui ont apporté aucun soutien. La cause, selon lui, « à la finance qui a pris le pouvoir sur le politique ». Cette main mise est illustrée d’après les frères Bocquet par la nomination en décembre 2013 de Françoise Bonfante, responsable du contrôle des risques à UBS France, à la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF), alors que la banque était déjà mise en examen pour évasion fiscale. Face au tollé provoqué, Pierre Moscovici, ministre de l’économie qui l’avait nommée, a du demander sa démission deux mois plus tard.
En juin 2016, le parquet national financier a réclamé le renvoi de la banque suisse en procès pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale » et « démarchage illicite », et de sa filiale française pour « complicité ». Seraient également concernés par ce procès trois ex-cadres d’UBS France, un ancien haut responsable de la banque en Suisse et de trois autres ex-dirigeants. Un ancien cadre de la filiale française a annoncé depuis qu’il plaiderait coupable dans cette affaire.
Les juges d’instruction doivent maintenant décider s’ils ordonnent un procès ou non.
SC
Lire l’article sur le livre des frères Bocquet « Sans Domicile Fisc »