Mohamed Benchicou, toujours privé de passeport, prépare un nouveau livre (10 juillet 2006)

Un peu plus de trois semaines après sa sortie de prison (le 14 juin), le journaliste algérien Mohamed Benchicou a déclaré son intention d’écrire un livre sur son « expérience personnelle ». Il l’a annoncé ce samedi 8 juillet, lors d’une conférence de presse à la Maison de la presse Tahar Djaout, à Alger.

Indomptable, Mohamed Benchicou ? Certainement. Lui qui a passé deux ans en prison pour, officiellement, un délit de droit commun - qui n’a d’ailleurs jamais été prouvé - avait annoncé dès sa « libération », qu’il ne baisserait pas les bras et qu’il continuerait à se battre pour la liberté d’expression. C’est précisément la publication d’un livre au vitriol sur le président Bouteflika (« Bouteflika, une imposture algérienne », en 2004) et ses écrits dans le journal Le Matin, qu’il dirigeait, qui lui ont valu cette condamnation. En promettant un livre sur son « expérience personnelle », il a précisé : « Personne n’a le droit de m’en empêcher. C’est un droit constitutionnel  ». Par la même occasion, il a réaffirmé son envie de relancer le quotidien Le Matin, qui ne paraît plus depuis fin juillet 2004.

« Le Matin est frappé d’interdit politique  », a-t-il affirmé devant ses confrères. « Si cet interdit est levé et qu’un échéancier nous est accordé, le journal reprendra ses activités  ». Dans cette logique, Mohamed Benchicou a également souhaité le lancement d’une « campagne nationale pour la dépénalisation des délits de presse » en Algérie. Comme l’avait déjà indiqué le Comité Benchicou pour les libertés (CBL) créé peu après son incarcération en 2004, il « prend acte  » de la mesure de grâce présidentielle (le 5 juillet) concernant les journalistes condamnés pour leurs écrits. « C’est une victoire à mettre à l’actif de la résistance de la corporation. Le pouvoir a compris que la répression ne sert à rien  », estime-t-il. Mais, précise son comité de soutien, « pour positive qu’elle puisse paraître, l’extinction des poursuites judiciaires contre les journalistes demeure très insuffisante au regard des standards internationaux. La persistance d’articles de loi qui criminalisent la pratique journalistique constitue, en outre, une violation flagrante de la Constitution algérienne, qui consacre la liberté de presse et la liberté d’expression  ».

« N’applaudissons pas trop vite »

Dans un article publié ce week-end par Le Soir d’Algérie, Mohamed Benchicou écrit que cette mesure présidentielle « s’ouvre, en même temps, sur une inquiétante perspective de consécration constitutionnelle d’une autocratie à la "tunisienne" avec toutes les menaces sur les libertés qu’on peut supposer.  ». Il ajoute : « N’applaudissons pas trop vite le pouvoir pour des mesures qu’il a prises avant tout pour lui-même et sous la pression, n’oublions pas qu’il garde en mains tous les leviers de la persécution pour poursuivre les grandes opérations de "normalisation" que nous allons devoir affronter, dénoncer et déjouer. Rien ne devrait nous autoriser à la conclusion hâtive et illusoire que les dirigeants algériens ont été frappés d’une "métamorphose démocratique" durable. Le pouvoir n’a changé ni dans sa nature ni dans ses objectifs fondamentaux. Il reste dans ses projets stratégiques de se débarrasser de la presse libre comme de tous les contrepouvoirs nés dans la foulée d’Octobre 88 et qu’il considère comme antinomiques avec l’exercice de la monarchie républicaine en préparation.  »

Lors de sa conférence de presse, il a par ailleurs noté : « C’est vrai qu’ils m’ont effacé six affaires sur les 29 que l’on m’a endossées. Le reste, soit 23 affaires, je l’ai soldé en prison  ». Il ajoute que son passeport ne lui a toujours pas été rendu, « en dépit du fait que j’ai purgé ma peine. Sans ce titre de voyage, il m’est impossible de répondre à de nombreuses invitations à l’étranger, émanant, entre autres, du Parlement européen et de l’institution qui m’a primé à New York ».

Ph. A.


 

 

 

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