Médor, un mag d’enquêtes, belge, coopératif et déjà rentable

, par Club de la presse hdf

Médor n’est pas un chien. Il est belge comme Magritte, mais ce n’est pas une pipe non plus. Médor est un trimestriel d’enquêtes et de récits publié en Belgique francophone. Lancé il y a un an, ce mook à la sauce belge a su, en quelques numéros, se faire une place dans les kiosques. Malgré une crise de la presse qui frappe durement les médias belges, Médor a réalisé des bénéfices dès sa première année. Une tentative de censure avant même la sortie du 1er numéro, de la part d’une entreprise pharmaceutique, l’a aidé à asseoir sa notoriété. Chloé Andries, membre fondatrice du trimestriel d’enquêtes, était au Club de la presse le 6 juin.

Course aux scoops et aux buzz, perte de confiance des lecteurs, difficultés financières… La crise de la presse ne s’est pas arrêtée à la frontière et sévit aussi en Belgique. Mécontents de leurs conditions de travail et ayant l’impression de courir après le temps pour produire une info de moindre qualité, des journalistes indépendants ont commencé il y a plusieurs années à se rassembler pour imaginer leur média idéal : un slow-média qui prend le temps d’enquêter, indépendant, transparent et horizontal.

Plus qu’un magazine, c’est tout un écosystème de production d’informations qu’ils ont créé. L’équipe a choisi de raconter la société actuelle à travers des enquêtes et des récits. « Il n’y a pas besoin de partir au bout du monde pour le raconter », résume Chloé Andries.

La transparence financière de Médor est garantie par son statut de coopérative à finalité sociale (SCRL-FS en droit belge). Pour devenir coopérateur, il faut acquérir au moins une part de la société à 20 €. Les coopérateurs peuvent participer et voter à l’Assemblée générale. Peu importe le nombre de part, chaque personne a une voix. Ils sont ainsi les garants de la philosophie et de la trajectoire du projet en assurant la transparence des pratiques et la prise de décision démocratique. Les éventuels dividendes qu’ils pourraient percevoir sont limités à 6 % mais l’équipe de Médor prévient : «  il risque de ne pas y en avoir pendant de nombreuses années. L’enrichissement n’est pas notre but. »

Pour garantir son indépendance, Médor refuse toute aide à la presse et subvention et limite le poids des annonceurs à 11 % de son budget. Les publicités peuvent ainsi être sélectionnées sur des critères éthiques. Le solde du budget est apporté par les ventes en kiosques (7000 exemplaires par numéro), les 2500 abonnés et les parts des 900 coopérateurs ayant choisi de financer le projet. Prés des trois-quarts sont consacrés à la production de l’info.

« Nous voulions la structure hiérarchique la plus horizontale possible, explique Chloé Andries. Médor n’a pas de rédacteur en chef unique mais un comité de pilotage tournant. A chaque numéro, deux journalistes parmi les fondateurs prennent ce rôle. » Pour chaque article, un binôme rédacteur – illustrateur est mis en place. «  Nous avons choisi de laisser une large place au graphisme dans la mise en page, poursuit celle qui fait partie des fondateurs du titre. Ils ne doivent pas être uniquement décoratifs mais aussi informatifs. » Chaque article est parrainé par un journaliste qui apporte au duo son expertise et son regard extérieur.

Chloé Andries, membre fondatrice du trimestriel d'enquêtes, était au Club de la presse le 6 juinToujours dans la logique d’une coopérative éthique, Médor a créé son propre logiciel de publication. « Nous avons, dans la continuité de notre engagement philosophique, opté pour l’open-source », explique Chloé Andries. Cette plateforme sous licence libre est proposée aux rédactions qui le souhaitent. Elle permet de montrer les avancées rédactionnelles, d’appeler à l’aide un collègue pour la recherche d’un contact, d’une info, pour une relecture provisoire, ou une question déontologique.

Cet écosystème de production de l’info porte ses fruits puisqu’en moins d’un an, Médor a su atteindre l’équilibre financier. Il faut dire que le magazine a bénéficié d’une campagne de pub inespérée avant même la sortie du 1er numéro : l’entreprise pharmaceutique Mythra a tenté de le censurer pour empêcher la sortie d’une enquête sur ses accointances avec des hommes politiques. En première instance, la justice a tout d’abord interdit la publication de l’article, assorti d’une amende de 12 000 € par jour et par infraction constatée, de quoi couler le journal avant même qu’il ne sorte. Soutenu par l’AJP (Association des journalistes professionnels de Belgique), Médor a gagné en appel. Ce second jugement, définitif, autorise la diffusion du journal et reconnaît une tentative de censure de la part de la société Mythra. Effet Streisand oblige, la vente de ce premier numéro a été très satisfaisante.

« C’est impalpable, mais quand on lit Médor, on comprend qu’on ne lit pas la presse française, estime Chloé Andries. Cette différence peut-être due au fait que la Belgique est un petit pays. Il y a donc moins de rapport hiérarchique. Chez nous, il est courant que des journalistes stagiaires interviewent des ministres. Il n’y a pas d’école élitiste non plus, donc peut-être plus de différences entre les journalistes.  »

Preuve de sa qualité, Médor a depuis sa création remporté plusieurs prix dont la 3ème place au Prix francophone de l’innovation dans les médias décerné en avril dernier par l’Organisation internationale de la Francophonie, Reporters sans Frontières et la radio RFI.


 

 

 

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