Regards de Presse

Christine Ockrent : « Le prochain président américain sera rejeté par une partie de la population »

, par Club de la presse hdf

Christine Ockrent était l’invitée du Club de la presse et du Furet du Nord lors de la dernière édition de Regards de Presse qui s’est tenue le mardi 25 octobre. La journaliste, interrogée par des étudiants de l’ESJ Lille, y présentait son livre-enquête sur les élections présidentielles américaines « Clinton / Trump L’Amérique en colère ». Selon elle, cette campagne qui « a vu surgir un monstre et un socialiste revendiqué », est exceptionnelle par sa violence : quel qu’il soit, le prochain Président américain sera rejeté par une partie de la population du pays.

Les élections présidentielles américaines ont des répercutions sur l’ensemble du monde. Pour bien les appréhender, il faut connaître leur déroulement et le mode de scrutin. Christine Ockrent a donc introduit le débat par un rappel des règles électorales de ce pays : le système de primaires qui désigne les candidats de chaque partie puis le vote au suffrage universel, état par état, pour des grands électeurs qui eux éliront le Président. Le nombre de Grands électeurs dépendant de la taille de l’état, certains pèsent plus lourds que d’autres, ce qui explique que les candidats se focalisent sur ceux-ci. Mais la présidence n’est pas le seul enjeu puisque dans la foulée sont aussi renouvelés les Sénateurs et les juges.

Les médias ont favorisé Trump pour l’audience

Selon Christine Ockrent, l’origine de la candidature de Donald Trump tient presque de la blague. Lorsqu’il s’est déclaré aux primaires républicaines, le milliardaire n’était pris au sérieux par personne. Mais les médias ont décidé de ranger ce show-man dans le groupe des gros candidats uniquement pour favoriser leur audience. Ce présentateur d’émission de télé-réalité à la répartie acerbe sait y faire face à une caméra. «  En quelques mois, il a massacré tout ses rivaux malgré les instances dirigeantes du Parti républicain contre lui », poursuit la journaliste française. «  Il a su parler aux électeurs républicains déçus de leur propre élite ».

Le candidat a su mettre des mots sur la colère de l’Amérique profonde. « Une Amérique que les Européens ignorent », précise l’ancienne présentatrice du JT. « Une Amérique blanche extrêmement conservatrice, très religieuse et armée  ». Pour ces « républicains de base » qui détestent l’État fédéral et ses impôts, Donald Trump est presque un héro quand il reconnaît pratiquer l’évasion fiscale pour ne pas payer d’impôt. Cet électorat peut tout lui pardonner car il est riche. Les ultra-religieux voteront pour lui malgré ses deux divorces. «  Ils se disent ‘ Il est riche, il sait comment faire, il va donc tous nous rendre riches’  », résume Christine Ockrent.

« un monstre et un socialiste revendiqué »

Dans le camp démocrate, Hillary Clinton pensait remporter la primaire sans aucun souci. Son mari Bill a laissé un bon souvenir malgré ses frasques sexuelles exploitées par Donald Trump. « Hillary aurait pu passer pour la femme trompée, pour une femme trop laxiste qui pardonne tout, analysent l’ancienne rédactrice en chef de l’Express. Mais elle a été brillamment élue au Sénat ».

Elle n’a pas su anticiper une certaine usure de la marque Clinton, un rejet des élites y compris chez les démocrates, notamment chez les jeunes. L’émergence de Bernie Sanders a su créer la surprise. « Cette campagne a vue surgir un monstre et un socialiste revendiqué, ce qui était totalement inimaginable aux Etats Unis ».

« Comme Hillary Clinton est une femme, il est beaucoup plus difficile pour elle de s’imposer dans ce monde majoritairement masculin, poursuit Christine Ockrent. Le regard est toujours plus critique sur les femmes. Les médias commenteront sa coupe de cheveux et ses vêtements, ce qu’il feront moins pour ses adversaires. »

Auteur de plusieurs ouvrages consacrés aux Etats-Unis, la journaliste a partagé son analyse de cette élection hors-normes.

« Candidate à l’ancienne contre Narcisse 2.0 »

Donald Trump abandonné par les instances du parti républicain et Hillary Clinton donnée gagnante par les sondages, le résultat de l’élection semble jouée d’avance mais n’est pas à l’abri d’une surprise. «  Les faits ont de moins en moins d’importance. L’opinion publique se construit aujourd’hui sur les émotions. Les infos arrivent par Facebook et les médias sociaux sans aucune vérification. »

Dans tous les cas, le prochain Président sera rejeté par une partie de la population du pays. Certains observateurs s’attendent à une irruption de violence de la part de la frange dure des partisans de Trump si leur favori perd l’élection. Mais Christine Ockrent pense que cette passion va vite retomber : «  Les Américains ne s’intéressent pas à la politique. Le Président est généralement accepté comme le Président de tous. »

Quoi qu’il en soit, le paysage politique des Etats-Unis risque d’être profondément modifié par cette élection. Si Donald Trump perd, il ne va pas disparaître. Son gendre est en train de monter un grand groupe médiatique pour qu’il continue à peser sur la vie politique du pays. Dans le camp démocrate, les jeunes séduits par Bernie Sanders se sont inscrits au parti démocrate qu’ils vont rajeunir en lui insufflant les idées défendues par leur candidat.

Christine Ockrent craint aussi que cette élection américaine ne soit un laboratoire de phénomènes que l’on voit surgir en Europe comme la montée du populisme et le rejet des élites.

SC

Christine Ockrent
« Clinton / Trump L’Amérique en colère » (Laffont)
Prix : 20,00 €


 

 

 

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